TEST de Shenmue sur Dreamcast

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Shenmue, série maudite… Conçue par Yû Suzuki et initialement supposée se dérouler sur seize épisodes, la série n’en connaîtra finalement que deux, faute de succès commercial. Si Shenmue III restera probablement à tout jamais un doux rêve, cette brève saga a su se classer au panthéon des jeux vidéo, ayant marqué d’innombrables joueurs. Alors, pourquoi Shenmue est-il si adulé ? Et pourquoi, douze ans après, reste-t-il une expérience vidéoludique absolument magistrale ? Réponse dans ce test.

Le clipping m’a empêché de progresser dans Shenmue. Si, si.

Les graphismes de Shenmue sont encore aujourd’hui splendides. La modélisation des personnages est tout simplement incroyable, sans commune mesure avec ce que proposait le jeu vidéo jusqu’à présent. Leurs expressions et leurs mouvements sont d’un réalisme saisissant. Les ombres sont de même gérées de façon superbe, les différents objets rencontrés semblent tous plus réels les uns que les autres ; n’y allons pas par quatre chemins, Shenmue reste aujourd’hui une claque graphique d’envergure.

Les décors sont loin d’être en reste : disposant d’une foule de détails, ils sont extrêmement réalistes et impliquent pleinement le joueur dans l’ambiance du Japon des années 1980, où se déroule le jeu. Ambiance traditionnelle dans le dojo Hazuki, habitations calmes dans la zone pavillonnaire de Sakuragaoka, ruelles grouillantes de vie dans le quartier commercial de Dobuita, marchandises et hangars immenses au port de Yokosuka : si les environnements traversés sont peu nombreux, chacun d’entre eux a bénéficié d’un soin tout particulier qui leur confère à tous un cachet inimitable.

Certes, une telle surenchère graphique se paye : le soft souffre d’un clipping (apparition tardive des éléments à l’écran) très marqué, certains personnages n’apparaissant que si vous vous situez juste à côté d’eux. Malgré ce défaut déplorable, l’ensemble du jeu reste visuellement très impressionnant.

Tom, vendeur de hot-dogs et meilleur ami de Ryo.

Nourrir un chat, boire du soda, claquer son fric à la salle d’arcade… Normal, quoi.

Shenmue fut lui-même qualifié par son créateur de jeu FREE (pour Full Reactive Eyes Entertainment, comprenez « Jeu à vision libre ») et l’on comprend aisément pourquoi. Premier constat : tout, ou presque, peut être examiné. D’une simple pression sur la gâchette droite, Ryo se met à observer ce qui l’entoure et peut concentrer son attention sur un objet. Ainsi, il est possible de s’approcher d’un tiroir pour l’ouvrir et examiner son contenu, ou sélectionner une marchandise à acheter.

Shenmue est un jeu mêlant tellement de genres différents qu’il est impossible de le catégoriser. On peut toutefois distinguer trois phases de jeu : la première, et la plus présente, consiste en une enquête au cours de laquelle Ryo sera amené à se promener à travers les quartiers de Yokosuka pour interagir avec les différents habitants qu’il rencontrera. Il pourra ainsi obtenir des indices, scrupuleusement notés dans un carnet consultable à tout moment par le biais du bouton X. Cette phase fait la part belle aux dialogues et à l’exploration.

La deuxième phase est composée de QTE, ou Quick Time Event. C’est en effet Shenmue qui a inventé ces cinématiques interactives durant laquelle le joueur doit influer sur la progression de Ryo en pressant une touche précise au bon moment.

La troisième et dernière phase, les Free Battle, consiste en des combats de rue au cours desquels Ryo devra corriger ses adversaires à l’aide de nombreux coups, allant du coup de poing à la balayette, en passant par la clé de bras ou la projection. Il est à noter que chacun des coups de Ryo peut être amélioré en s’entraînant dans des parkings (eh oui !), ce qui permet de personnaliser le style de combat de notre héros et ajoute une petite dimension RPG au titre.

Ce qui marque véritablement dans Shenmue, c’est la liberté de mouvement quasiment infinie accordée au joueur. Il est ainsi possible de réaliser une multitude d’actions qui n’ont absolument aucun intérêt pour faire progresser le jeu, mais qui confèrent à l’univers de Shenmue une cohérence et un réalisme sans pareil. Ryo (et le joueur) peut ainsi acheter une canette de soda au distributeur, se rendre à la salle d’arcade pour jouer à d’anciens jeux Sega, prendre soin d’un chaton abandonné en lui apportant de la nourriture, constituer une collection de figurines, acheter des cassettes audio pour les écouter, indiquer son chemin à une vieille dame ou même appeler le service météorologique pour connaître le temps du lendemain ! Je le répète, ces actions n’ont aucun intérêt pour la progression du script, mais elles contribuent à faire de Shenmue l’un des jeux les plus immersifs de l’histoire du média qu’est le jeu vidéo, où tout est fait pour donner au joueur le sentiment d’écrire sa propre version de l’histoire de Ryo Hazuki.

Le jeu adopte un système gérant les jours et l’heure. L’action du jeu commence ainsi le 3 décembre 1986, quatre jours après les évènements de l’introduction. En bas à droite de l’écran est visible une horloge affichant l’heure. Vous vous lèverez ainsi tous les jours à 8 heures 30 ; la nuit tombe à 19 heures, la plupart des commerces ferment à 20 heures, et Ryo doit impérativement être rentré au dojo avant 23 heures 30, faute de quoi il sera réprimandé par sa nourrice ! Ce système d’horaires est bien plus important que l’on pourrait le croire à première vue : certains commerces ne sont ouverts qu’à des horaires déterminés, il faudra attendre la nuit pour vous rendre dans un bar, certains rendez-vous sont fixés à une heure précise… On pourra même voir un père Noël se promener dans les rues de Dobuita à l’approche du 25 décembre ! Cette gestion précise du temps contribue encore une fois au réalisme exacerbé du titre.

L’argent occupe une place non négligeable dans le jeu : vous commencez la partie avec un peu plus de 10 000 yens, et recevez 500 yens chaque jour. L’argent est utilisé pour acheter diverses marchandises (canettes, nourritures, cassettes…) qui n’ont certes quasiment pas d’intérêt pour terminer le jeu, mais dont la présence contribue encore une fois au sentiment incomparable de réalisme et d’immersion procuré par le jeu.

Malheureusement, le gameplay de Shenmue n’est pas exempt de défauts. Si le jeu propose des possibilités quasiment infinies, on regrettera amèrement que Ryo soit aussi lourd à contrôler, ayant beaucoup de mal à tourner, et une caméra ne se plaçant pas toujours au bon endroit, ce qui peut conduire à une réelle confusion lors des séquences de Free Battle.

Le jeune Hazuki s’apprête à vivre un terrible drame…

Le 15 avril 1987 à seize heures…

Shenmue est un jeu dont la durée de vie est tout à fait honnête : comptez une bonne quinzaine d’heures pour espérer en voir le bout lors de votre première partie. Cette durée de vie semble parfaitement juste tant le jeu est dense et ne baisse jamais en intensité. Cependant, vous pouvez bien évidemment allonger conséquemment cette valeur si vous flânez dans l’univers du jeu, en dépensant votre argent de poche à la salle d’arcade, en collectionnant les cassettes, ou tout simplement en écoutant les autochtones vous raconter leur vie, leurs malheurs, leurs joies.

Shenmue est dans l’ensemble un jeu facile : les QTE et les Free Battle peuvent être recommencés à l’infini si vous échouez, et ces dernières phases sont la plupart du temps une simple formalité. Les rares énigmes sont de même très simples et leur solution est évidente. Shenmue n’avait, de toute manière, pas vocation à être un jeu difficile…

Les courses de chariot élévateur sont plutôt amusantes.

Perhaps they’re out ?

La bande-son de Shenmue est de très haute volée. Si les thèmes des différents environnements traversés ne sont pas très entraînants, par souci de réalisme, certains endroits disposent d’une musique tout bonnement géniale et envoûtante au possible : on pensera notamment au thème de Nagai Industries. Les bruitages sont de même très réalistes (pépiements d’oiseaux, miaulements, rugissement de moteur…) et contribuent à l’immersion du joueur.

Le doublage est également une prouesse. Shenmue est en effet intégralement doublé en anglais, et les voix sont de très bonne qualité. Les acteurs ont réellement su insuffler de l’émotion dans leurs répliques et correspondre au personnage doublé, rendant chaque protagoniste encore plus vivant qu’il ne l’est déjà.

Ryo rencontrera toutes sortes de malfrats sur sa route.

And thus… the saga begins.

Le scénario de Shenmue devait constituer le premier maillon de la saga pharaonique initialement imaginée par Suzuki. Tout commence le 29 novembre 1986 à 16 heures. Alors que Ryo Hazuki, dernier héritier du clan Hazuki, rentre chez lui, il voit une voiture noire garée devant le dojo familial et la porte d’entrée fracturée. Il se précipite dans le dojo, où son père est aux prises avec un homme nommé Lan Di. Celui-ci réclame un miroir au père de Ryo, mais celui-ci refuse de le lui donner, et Lan Di menace Ryo. Son père finit par avouer l’emplacement du miroir tant convoité, puis Lan Di le tue et s’enfuit. Agonisant dans les bras de son fils, Iwao Hazuki rappelle une dernière fois à Ryo qu’il doit compter sur ceux qu’il aime…

Le jeu proprement dit commence quatre jours après, soit le 3 décembre 1986. Ryo commence à mener son enquête, bien décidé à venger la mémoire de son père. Ce qui s’apparente en premier lieu à la simple recherche de Lan Di se transforme rapidement en une affaire de grande ampleur, durant laquelle Ryo sera aux prises avec la mafia chinoise et les gangs de Yokosuka. L’ensemble du jeu est mené tambour battant, l’action ne retombant jamais et poussant constamment le joueur à garder sa manette en main pour découvrir la suite des pérégrinations du jeune Hazuki.

Le jeu garde cependant une dimension émotionnelle forte : que ce soient les flash-backs de Ryo qui se revoit enfant avec son père, l’amour secret de Nozomi pour Ryo, les inquiétudes maternelles d’Ine-san ou encore l’amitié profonde que se portent Ryo et Tom, les moments émouvants sont légion et certains passages proches de la fin du jeu sont même susceptibles de vous faire verser une petite larme.

Concluons sur les personnages rencontrés ; tous les personnages importants sont dotés d’une personnalité unique. Qu’il s’agisse de Tom, le vendeur de hot-dogs excentrique ; Fuku-san, le frère adoptif de Ryo, benêt au grand cœur ; Lan Di, antagoniste aussi haïssable que mystérieux ; ou encore Gui Zhang, fils du maître chinois Chen, impassible, martial, sarcastique mais très respectueux envers Ryo, chacun des personnages composant la myriade de protagonistes de ce premier Shenmue laisse une impression marquante au joueur, qui ne s’estompe pas même longtemps après la fin du jeu.

Il est possible d’interagir avec quasiment tous les éléments du décor.

C’est l’heure de rendre les copies !

Graphismes : Malgré le clipping omniprésent, la performance graphique réalisée par Shenmue est tout simplement démentielle. La modélisation des personnages est excellente, les décors fourmillent de détails, l’identité graphique de chacun étant très marquée ; Shenmue reste l’un des plus beaux jeux de la machine.

Jouabilité : Si l’on regrettera des déplacements poussifs et une caméra pas toujours bien placée lors des phases de combat, la liberté de mouvement accordée au joueur, la variété des phases de jeu et la possibilité d’observer à la loupe le monde qui entoure Ryo n’a pas d’équivalent et rend la sensation de réalisme incroyable. Shenmue a inventé à lui tout seul un style de gameplay totalement révolutionnaire, remercions-le.

Durée de vie : Comptez quinze heures pour voir défiler les crédits de fin. Ni trop courte ni trop longue, l’aventure principale est très dense et vous tiendra en haleine de bout en bout. Les multiples à-côtés proposés sont également susceptibles de vous faire perdre la notion du temps…

Bande-son : Avec certaines pistes de toute beauté, bien que les compositions dans leur ensemble se révèlent assez discrètes, et un doublage de grande qualité très vivant, Shenmue se révèle un véritable délice sur le plan sonore.

Scénario : S’ouvrant sur un terrible drame superbement mis en scène, le jeu acquiert rapidement un intérêt scénaristique réel avec la progression de l’enquête de Ryo et le rythme haletant très vite instauré. Les différents personnages rencontrés laissent chacun un souvenir unique, et le titre sait ménager des moments réellement émouvants. Sans hésitation, Shenmue dispose d’un des scénarios les mieux mis en scène de ces dix dernières années.

Conclusion : Tous ceux qui ont eu la chance de goûter aux aventures de Ryo Hazuki n’auront de cesse de vous clamer leur amour pour ce jeu. La liberté quasiment infinie accordée au joueur, le scénario de très haute facture, le sentiment d’immersion omniprésent, le gameplay riche et diversifié et les graphismes splendides sont autant de qualités présentes dans le jeu ; jouez-y, vous serez à n’en pas douter comblé par l’expérience.

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